Réseau suisse des droits de l'enfant

Refus d’auditionner des enfants dans une procédure – le Tribunal fédéral annule une nouvelle fois l’arrêt d’un tribunal cantonal

Pour la seconde fois cette année, le Tribunal fédéral annule la décision d’un tribunal cantonal parce que les enfants concernés n’y ont pas été auditionnés. Cette situation montre que le droit d’être entendu est encore en partie trop mal ancré, même au niveau des autorités cantonales d’examen, ici le tribunal administratif du canton de Soleure. Il est urgent d’agir pour une mise en œuvre plus complète de la CDE dans les cantons.

Les enfants ont le droit d’être entendus dans toutes les procédures qui les concernent, comme l’exige l’article 12 de la Convention des droits de l’enfant. Le Tribunal fédéral est d’avis que l’article 12 est directement applicable en Suisse. Il part du principe qu’à partir de l’âge de 6 ans, les enfants peuvent être auditionnés dans le cadre des procédures. La Suisse a ancré légalement cette obligation fondamentale d’auditionner les enfants dans les procédures relatives à la protection de l’enfant et au droit matrimonial.


Dans la pratique, le droit d’être entendu n’est cependant pas mis en œuvre partout. Deux arrêts du Tribunal fédéral tombés cette année le montrent clairement. Dans les deux cas, les autorités d’examen cantonales ont refusé d’auditionner les enfants. Le premier concernait l’hébergement d’un garçon de 7 ans dans un foyer et le deuxième le droit de visite d’un père de deux enfants âgés de sept et onze ans.


Le fait que même des autorités cantonales d’examen refusent d’auditionner des enfants, bien qu’une audition ait été demandée explicitement, constitue un problème, étant donné qu’elles représentent des autorités de recours dans les cantons respectifs et qu’elles sont par conséquent chargées de mettre en œuvre au niveau cantonal la pratique d’audition des enfants du Tribunal fédéral.


La Confédération et les cantons doivent enfin prendre des mesures adaptées pour ancrer systématiquement le droit des enfants à être entendus et pour que leur avis soit pris en considération. Le Réseau suisse des droits de l’enfant et le Comité des droits de l’enfant ont appelé de manière répétée à la mise en place de formations systématiques pour les professionnels-les du droit, afin de développer efficacement des possibilités de participation adaptées aux enfants.


Annulation de l’arrêt du Tribunal administratif du canton de Soleure

Par sa décision du 4 mai 2020, le Tribunal fédéral a annulé un arrêt du Tribunal administratif du canton de Soleure. Dans ce cas particulier, l’autorité de protection de l’enfant et de l’adulte avait restreint le contact entre un père et ses deux enfants en raison d’un conflit entre les parents, avant de suspendre complètement ce contact.


Le père a fait recours contre cette décision de l’APEA auprès du Tribunal administratif du canton de Soleure en exigeant que les deux enfants soient auditionnés. La fille avait environ sept ans à ce moment et le fils onze. Le Tribunal administratif a renoncé à l’audition, bien que la dernière audition du fils remontait à plus de quatre ans et que la fille n’avait encore jamais été auditionnée. Malgré cela, le tribunal estimait que le point de vue des enfants sur les questions de droit de visite avait pu être pris en compte de manière suffisante dans la procédure. Il lui semblait incontestable que les enfants souhaitaient voir leur père plus souvent. Dès lors, une audition pour le bien de l’audition n’irait pas dans le sens de l’intérêt des enfants, en particulier dans ce cas où le conflit de loyauté des enfants est central. Le recours a donc été refusé par le Tribunal administratif du canton de Soleure, suite à quoi le père des enfants s’est donc tourné vers le Tribunal fédéral.


Dans son arrêt, le Tribunal fédéral conclut qu’en respect du rôle du père, l’autorité de première instance avait le devoir d’auditionner les enfants, ce d’autant plus qu’une demande d’audition des enfants avait été transmise par le père. Le Tribunal fédéral estime qu’une audition des enfants est fondamentalement possible dès l’âge de six ans. Tandis que dans le cas des enfants plus âgés, ce sont les aspects de droit de la personnalité qui priment et que l’enfant dispose d’un droit de participation qui lui est propre, l’audition des enfants plus jeunes doit surtout être comprise dans le sens d’un moyen de preuve. En règle générale, le Tribunal fédéral considère que les enfants ne doivent être auditionnés qu’une fois durant la procédure, recours compris. Ceci implique cependant que l’enfant ait été entendu sur les points essentiels pour la décision et que les résultats de l’audition restent d’actualité. Dans le cas concret, il paraît indéniable que la fille n’a encore jamais été auditionnée et le fils une fois seulement, il y a quatre ans. Au vu de son âge, sa première audition ne peut en aucun cas être encore d’actualité aujourd’hui. C’est les raisons pour lesquelles le Tribunal fédéral renvoie l’affaire au Tribunal administratif du canton de Soleure avec la mission d’auditionner les deux enfants.


Arrêt 5A_723/2019


Annulation de la décision du Tribunal cantonal de Thurgovie

En janvier 2020 déjà, le Tribunal fédéral avait annulé une décision du Tribunal cantonal de Thurgovie et renvoyé l’affaire à la première instance pour procéder à l’audition d’un enfant. Dans ce cas, l’audition d’un garçon de sept ans avait été refusée concernant son placement dans un internat. Il s’agit pourtant d’une décision à grande portée pour la situation de vie et le bien-être de l’enfant (voir à ce sujet la contribution du 20.01.2020).


Arrêt 5A_914/2018

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