Parlement

La Commission des affaires juridiques du Conseil des Etats s’oppose à l’interdiction pénale des interventions sur les enfants nés avec une variation des caractéristiques sexuelles

Lors de sa séance du 16 août 2023, la Commission des affaires juridiques du Conseil des Etats a rejeté à l’unanimité une motion du conseiller aux Etats Matthias Michel demandant l’interdiction pénale des interventions chirurgicales ou hormonales sur les enfants nés avec une variation des caractéristiques sexuelles.

La motion 22.3355 demande l’interdiction, sur le plan pénal, de toute intervention chirurgicale ou hormonale irréversible sur les caractéristiques sexuelles internes ou externes ou sur les organes génitaux d'enfants incapables de discernement. Cette interdiction ne viserait pas les interventions qui, d'un point de vue médical, ne peuvent être reportées ou qui sont indispensables pour écarter un risque de mort ou tout autre danger pour la santé de l'enfant.


Dans son argumentaire, l’auteur de la motion soutient qu’une variation des caractéristiques sexuelles à la naissance n'implique pas nécessairement des problèmes de santé pour les enfants. Il estime que les interventions visant à modifier le sexe d'une personne font, en revanche, courir de grands risques pour la santé, notamment de lourds traumatismes psychologiques et dépressions et des conséquences à long terme telles que l'ostéoporose ou l'infertilité.


L’auteur de la motion est par ailleurs d’avis que rien ne garantit aujourd'hui que des enfants présentant une variation des caractéristiques sexuelles ne soient pas soumis à un traitement médical ou chirurgical inutile. Il ajoute que les recommandations d'institutions internationales de défense des droits de l'homme, dont le Comité des droits de l’enfant de l’ONU, sont restées lettre morte à ce jour. En automne 2021, le Comité des droits de l'enfant de l'ONU a recommandé à la Suisse d’interdire tout traitement médical ou chirurgical sur des enfants intersexués qui peut être reporté en toute sécurité jusqu'à ce que l'enfant soit en mesure de donner un consentement éclairé.


La Commission des affaires juridiques se focalise sur la perspective médicale

Dans son communiqué de presse, la Commission des affaires juridiques du Conseil des Etats précise qu’elle souhaite elle-aussi éviter les interventions inutiles sur les enfants concernés. Elle estime toutefois que cet objectif ne peut pas être atteint par une interdiction pénale, mais par la garantie que les enfants aient accès à des traitements spécifiques, prodigués par des personnes compétentes. La commission a décidé de déposer une motion en ce sens (23.3967). Celle-ci charge le Conseil fédéral de veiller à ce que l’Académie suisse des sciences médicales (ASSM) puisse élaborer rapidement des directives d’éthique médicale concernant le diagnostic et le traitement des enfants nés avec une variation du développement sexuel, l’objectif de ces directives étant la mise en œuvre de l’avis de la Commission nationale d’éthique dans le domaine de la médecine humaine (CNE) sur l’attitude à adopter face aux variations du développement sexuel. La commission précise en outre que les organisations de défense des intérêts des personnes concernées doivent également être impliquées.


Point de vue d’InterAction Suisse

L’association InterAction Suisse représente et conseille les personnes intersexuées, respectivement les personnes nées avec une variation du développement sexuel en Suisse. Elle est membre du Réseau suisse des droits de l’enfant. InterAction regrette le rejet unanime, par la CAJ-E, de la motion 22.3355 du conseiller aux Etats Matthias Michel. Une interdiction pénale des interventions chirugicales et hormonales disproportionnées garantirait une certaine sécurité juridique et protégerait d’intégrité physique et l’auto-détermination des enfants concernés. L’interdiction de ces interventions figure parmi les recommandations adressées à la Suisse par le Comité des droits de l’enfant de l’ONU (2021), mais également par le Comité de l’ONU pour l'élimination de la discrimination à l'égard des femmes (2022), tandis que le Comité de l’ONU contre la torture (2023) considère la pratique actuelle comme une forme de torture. Une réglementation pénale peut être mise en pratique de manière différenciée et offrirai un moyen d’orientation aux professionnels-les de la médecine et aux parents pour mieux comprendre quels traitements sont admissibles ou non. InterAction n’est pas convaincue par la motion de la commission non plus. L’élaboration de directives médicales et éthiques est insuffisante pour protéger les enfants d’interventions disproportionnées. Ce type de directive n’est pertinent que s’il est combiné à une réglementation légale contraignante. Globalement, les propositions de la CAJ-E ne garantissent pas la protection des enfants.


Communiqué de presse de la CAJ-E du 16 août 2023

Recommandations du Comité des droits de l'enfant de l'ONU, 2021

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